De l'enfance à l'engagement : Pourquoi je suis féministe ?
Aktie
Pour moi, être féministe signifie simplement aspirer à l'égalité entre hommes et femmes. Avant d’aller plus loin, si tu t’apprêtes à me répondre “oui mais il ne faut pas être trop extrême”, “oui mais il ne faut pas vouloir être au-dessus”, je t’invite à lire mon récit. Je t’invite à le lire de mon point de vue, de comprendre mes expériences et de comprendre pourquoi je veux l’égalité homme-femme.
Dès mon enfance : le masculin l'emporte
On doit être douce mais c'est chiant :
Je m'en souviens, à la kermesse en CM2, toutes les filles avaient choisi le rôle avec des longues robes de princesse. Elles avaient le choix pourtant, mais les longues robes représentaient la douceur, tandis que les garçons avaient opté pour la danse hip-hop, habillés tout en noir ! J’étais la seule fille à avoir choisi de danser le hip-hop, car ça ne m'intéressait pas d’être jolie, je voulais bouger et m’amuser. Alors, en effet, j’étais peut-être déjà féministe car j’étais la seule fille parmi tous ces garçons et j'avais fait mon choix.
Cette prise de conscience a germé dès mon enfance, lorsque j'ai remarqué les différences de traitement entre les filles et les garçons, même dans la cour de récréation.
Passe moi la balle :
Je me souviens encore de trouver injuste que les garçons ne me passent pas la balle au football. J’ai donc vite arrêté et je suis allée dans le petit coin de la cour où les filles jouaient à l'élastique. Si à mon époque on avait eu plus de représentation de femmes athlètes, peut-être que ça aurait rendu possible le fait que je puisse jouer avec les garçons. Je me souviens avoir trouvé injuste que l’on ne puisse pas explorer la cour autant que les garçons, les footeux prenaient les trois quarts de la cour… À l’époque, je n’avais d’ailleurs même pas pensé que c’était possible pour moi de m’inscrire dans un club de football, car ce n’était que les garçons qui pouvaient en faire.
Faute de français :
Je me souviens aussi que ma maîtresse en CM2 nous a dit qu’en français “c’est le masculin qui l’emporte”. Et je me souviens du regard hautain et fier d’un de mes camarades qui se sentait supérieur… “bah oui, c’est le masculin qui l’emporte, c’est nous les meilleurs”. Et je sais que pour certains la langue inclusive semble être un problème mais est-ce que quelqu'un peut m’expliquer pourquoi dans les métiers à majorité de femmes, s’il y a un seul homme dans ce même groupe, c’est le masculin qui l’emporte ? Pourquoi les managers s’excusent-ils de parler au féminin quand il n’y a qu’un homme ? Parfois, je m’amuse à parler au “féminin qui l’emporte” et c’est assez drôle de voir la réaction des hommes qui se sentent exclus. Nous, en fait, on a l’habitude, mais ce n’est pas pour autant que c’est normal.
Depuis que je suis à Touraine Women je féminise d’ailleurs bien plus tout ce que je dis. En effet, j’avais remarqué automatiquement je disais que j’étais “entrepreneur” alors que non je suis “entrepreneuse”. C’est à quel point le masculin l’emporte sur beaucoup de choses dans la vie quotidienne. Même la technologie n’a pas le féminin qui l’emporte, j’ai beau dire à ChatGPT que je suis une femme, il va aimer écrire au masculin. Si dans les paroles on commençait à nous inclure, peut-être que les petites filles et les femmes se sentiraient de prendre plus de place ?
Le poids du collège
Au fil du temps, j'ai pris conscience des injustices présentes dans notre société. Les attentes en matière d'apparence et les pressions sociales imposées aux femmes contribuent à une culture où le jugement est porté principalement sur le physique. Les conséquences de cette dynamique sont profondes, affectant l'estime de soi et le bien-être des femmes dès leur plus jeune âge.
Tu ne seras jamais assez belle :
Toutes les femmes parlent de régime, toutes les femmes ont une obsession sur une partie de leurs corps… moi petite, à 8 ans, je me souviens avoir comparé mes cuisses à celles de mes copines en me disant que les miennes étaient bien trop grosses. J’ai toujours pensé que c’était normal pour les femmes d’être au régime et que les hommes étaient composés différemment. Petit Poke à Jenifer quand je regardais la Star Academy qui devait fait un régime (je te laisse chercher sur Google, en avait-elle besoin ?).
C’est comme la peur de vieillir, la hantise du cheveux blanc qui est ancrée chez les femmes alors qu’un homme grisonnant est tellement beau. On a appris aux femmes à se battre contre l’impossible : la vieillesse, le poids, au dépit des choses importantes comme la santé.
C'est toi la grosse vache :
“Mais moi je ne t’ai pas forcé à faire un régime” “je ne t’ai jamais forcé à te teindre les cheveux”.
Pourtant, dis-moi pourquoi si peu d’hommes prennent des crèmes anti-ride ? Bien sûr que non, ce n’est pas toi qui m’a individuellement forcé mais dis-toi que c’est la société dans son ensemble qui a créé un mal-être énorme. Au collège et même adulte, je me souviens de toutes les conversations entendues venant d'hommes - sous forme de rigolade, sous forme de normalité - “ elle est bonne” “tu as vu sa grosse paire de cuisses” “on dirait une vache” “elle a une belle paire de nichons”... Une fois, en quatrième, je portais un pantalon et je me suis retrouvée avec 3 garçons à la fin du cours. Ils m'ont très clairement demandé si je portais un string et un des mecs a mis son doigt sur mes fesses pour vérifier. J'ai le souvenir de m'être sentie mal, humiliée, mais je n’ai rien dit… à qui le dire ? Quoi dire ? Alors j’ai ravalé ma salive, je leur ai quand même dit d’arrêter et je me suis barrée. Je ne sais pas comment je qualifie ce genre d’acte, mais à partir du moment où on nous met mal à l’aise, ce n’est pas normal…
Les hommes dès le plus jeune âge, enfant, ados ont appris à sexualiser le corps des femmes, à le juger sur des critères physiques et à en parler comme si nous n’étions pas là. Ça construit des générations d’hommes irrespectueux et de femmes qui se sentent jugées et épiées.
Je réponds à tes besoins :
Ça commence par la culture de la performance et à quel point les garçons étaient ouverts au sujet de la masturbation alors que c’était un tabou pour les filles. Et puis il y a les premières relations sexuelles, une des mes amies a eu une première fois assez violente, mais à l’époque on n'avait pas pris conscience de cette violence. En réalité, ce n’était pas normal, le plaisir devait être partagé et tous les actes devaient être consenti. On grandit dans la culture de l’homme performant, du plaisir de l’homme au dessus de la femme, car “l’homme a ses besoins”. Il suffisait de voir ce qui se passait dans les médias pour en avoir la confirmation.
Je me souviens aussi lors d’un weekend sport avec des adultes, ados et enfants que sur le chemin du retour, une de mes coéquipières nous dit qu’elle a branlé un des adultes la veille. Moi à l’époque, je rigole avec ma copine qui écoute aussi cette anecdote… mais 20 ans plus tard quand j’y repense… est-ce que c’était si drôle que ça ? Une jeune fille de 14 ans, dans un coin avec un adulte ? Est-ce qu’elle était vraiment consentante ? Est-ce qu’elle s’est sentie forcée ? A l’époque, j’avais juste trouvé ça bizarre, mais d’apparence elle avait l’air OK. On avait pas la notion de consentement à l’époque et ça, ça m’embête car on aurait pu arrêter des situations… Ou même mieux, avec des hommes avertis sur le sujet on aurait pu les éviter.
On ne peut plus draguer
Les femmes ont quasiment toutes un récit à te raconter. Donc à vrai dire, si tu ne peux plus draguer, ça ne me fait pas grand-chose, et puis bien sûr que si tu peux draguer si c’est consenti, si tu respectes la personne en face de toi. En tout cas moi, je ne vois pas cela comme un compliment de me faire reluquer de haut en bas comme un objet. Je ne suis pas respectée pour ma personne.
Très sympa cet homme :
En parlant de drague, une fois adulte j’ai rencontré un homme avec qui je suis restée pendant un an. Il était très sympa même s’il m’a fait comprendre que je ne savais pas communiquer, parler, que j’étais une incapable… et il a nourri ses mots par les gestes avec un coup de poing et un étranglement. Tellement sympa que je me souviens avoir caché son couteau au cas où il s'énerve sur moi. Ce mec était très sympa, selon les dires du policier quand j’ai porté plainte, il n’a pas été condamné car il n’y avait aucune preuve de ce qu’il m’a fait.
Mais les hommes aussi :
Tu pourrais me dire que cela a à voir avec l’individu plutôt qu’un rapport d’égalité homme-femme. Certes, mais il y a une femme sur trois qui est victime de violence conjugale dans le monde. Oui ça arrive à des hommes, mais là je te parle de mon récit et des femmes. Je ne connais pas une femme qui n’a pas subi une agression qu’elle soit physique, sexuelle ou violente… Une femme aura toujours un récit à te raconter. On subit ces violences aussi car la société ne nous respecte pas, parce que les hommes ne nous considèrent pas et que les femmes ne se considèrent pas.
Je suis féministe, car on doit toujours se justifier plus pour se faire entendre, parce que quand un homme a une liste de 50 femmes qui se plaignent d’un seul homme, il ne se passe pas grand-chose.
Les Défis du Quotidien.
En tant que femme, je suis confrontée quotidiennement à des défis liés à l'inégalité de genre. Au travail, les femmes sont souvent reléguées à des postes subalternes, tandis que dans la sphère privée, la charge mentale et émotionnelle pèse lourdement. Je suis féministe parce que je crois en une société où les femmes sont traitées avec respect et égalité, dans tous les domaines de la vie.
C'est l'histoire d'un mec :
On connaît tous l'histoire du mec qui est mieux payé que la femme pour le même travail. L'histoire d'un groupe de managers où, lors des réunions, c'est la femme qui se retrouve à faire le compte-rendu malgré des postes équivalents. L'histoire de l'entreprise où il n'y a que des femmes, sauf pour les postes de chefs. L'histoire de la blague de cul inappropriée. L'histoire de la femme qui gère tout à la maison, mais quand c'est le mec qui cuisine, il reçoit des applaudissements. L’histoire du mec qui n’a pas la charge de la contraception. L'histoire de la femme qui assume son rôle, et l'histoire du mec qui ne participe pas mais qui "aide". L'histoire ou je suis interrompue et je ne peux pas finir ma phra...
Et puis on m'a prise pour une boxeuse :
Quand j'ai commencé la boxe, mon coach a ignoré que j'étais un homme ou une femme, il m’a juste dit “saute sur cette boîte” mais ma première réaction était “je suis une femme, je ne peux pas le faire”. Heureusement pour moi que j’avais de la fierté car j’ai sauté, j’ai réussi et je me suis surprise de m’être donnée des limites quand j'ai voulu sauter. Ça a fait tilt dans ma tête. Mais je le vois aussi que certaines femmes n’osent pas, car on leur a dit qu’elles étaient faibles, elles ne sont pas compétitives non plus car la compétition c’est moche. Ça, ça commence aussi dans les cours de sport à l’école. Et pour cela je reviens à mon enfance, au collège, quand notre prof de sport avait fait faire aux garçons des pompes par terre et nous, des pompes en hauteur… là aussi j’avais trouvé cela injuste (et les gars aussi) car j’étais capable de le faire par terre mais on m’avait fait comprendre que j’étais faible.
Après tout cela, j’espère que tu comprendras mon récit, celui d’une femme qui veut l’égalité homme-femme. Si tu es un homme, tu peux être féministe et c’est OK. Ça veut juste dire que tu souhaites l’égalité homme-femme. Et si tu n’as pas encore compris, je t’invite à remplacer le mot femme par “noir” et homme par “blanc”.
C’est quoi le rapport avec Artiste Sportive
50% de la population n'existe pas :
Une fois à la radio, on parlait des hommes préhistoriques et j'ai entendu le présentateur dire : "...et on a appris qu'il y avait même des femmes qui chassaient". C'était tellement une surprise. Mais ça veut dire quoi ? Que les scientifiques n'avaient pas considéré cela avant ? Combien de pages de l'histoire et des sciences sont biaisées ?
Une autre fois, lors d'un débat sur la visibilité des femmes à la radio, j'ai entendu un présentateur dire : "oui, mais la voix des femmes est moins agréable à la radio aussi". Ce n'était pas une critique, c'était un fait, une généralité de la radio.
Dernièrement, on a tous entendu parler de Missak Manouchian qui est entré au Panthéon... et les médias nous disaient "Missak Manouchian et sa femme". Ça gaspillait trop de salive de dire que Mélinée Manouchian était aussi résistante ? Sa femme ne valait pas le temps d'être nommée.
On a omis 50 % de la population sans s'en rendre compte.
Alors Artiste Sportive :
J'ai démarré Artiste Sportive car je trouvais qu'il y avait un manque d'inclusivité dans le sport, que ce soit pour les femmes mais aussi pour d'autres profils.
J'ai démarré Artiste Sportive car je voulais représenter les gens et ce besoin s'est renforcé grâce à mon adhésion à Touraine Women.
Je ne savais pas où placer ce récit autrement que dans le blog de mon site internet. Ce récit représente pourquoi j’ai ces valeurs et pourquoi je mets une importance liée à la représentation de toutes les sportives.*
Je remercie toutes ces femmes qui m'accompagnent au quotidien et notamment Justine Dubourg qui m'a inspiré à écrire ce texte grâce à son partage sur la définition du "féminisme" sur son Instagram.
*j’ai mis le féminin qui l’emportait